mercredi, mars 12, 2025

L’élevage face à l’urgence climatique : faut-il taxer la viande pour réduire l’empreinte carbone ?

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À l’approche du Salon de l’agriculture, la question de l’empreinte carbone de l’élevage s’impose comme un enjeu crucial. Ce secteur, qui occupe la moitié des surfaces agricoles françaises, est responsable de 60 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) du secteur agricole. L’agriculture, contribuant à 20 % des émissions nationales de GES, se positionne comme le deuxième secteur le plus polluant en France. Les émissions proviennent principalement du méthane (56 %), issu de la fermentation entérique des ruminants, et du protoxyde d’azote (29 %), généré par l’utilisation de fertilisants azotés et les effluents d’élevage. La réduction de ces gaz est impérative pour atténuer l’impact environnemental de l’élevage.

L’occupation des sols, un levier essentiel pour la séquestration du carbone

L’agriculture, et plus particulièrement l’élevage, occupe une part prépondérante des terres françaises. L’utilisation des sols joue un rôle déterminant dans la séquestration du carbone, les sols agissant comme des puits de CO2. Modifier l’occupation des terres, notamment en favorisant le reboisement, pourrait significativement contribuer à la neutralité carbone. Le concept de « coût d’opportunité carbone » (COC) illustre ce potentiel : la conversion des prairies et cultures dédiées à l’élevage en forêts pourrait doubler la capacité de stockage de carbone.

Chiffrer l’impact carbone de l’élevage : une analyse détaillée

Une étude récente a quantifié le COC d’un kilogramme équivalent carcasse de bœuf, révélant qu’il représente 40 % de son empreinte carbone totale. Ce chiffre se décompose en :

  • 14 kg CO2eq pour le COC des prairies
  • 4 kg CO2eq pour le COC des cultures destinées à l’alimentation animale
  • 26 kg CO2eq pour les émissions directes de production

Ces données soulignent l’importance de considérer l’ensemble du cycle de vie de l’élevage dans l’évaluation de son impact environnemental.

Solutions techniques pour réduire les émissions de l’élevage bovin

Plusieurs stratégies peuvent être déployées pour réduire les émissions de l’élevage bovin. L’augmentation de la part des concentrés (blé, orge) dans l’alimentation animale permet de :

  • Diminuer la fermentation entérique et les émissions de méthane
  • Accélérer la croissance animale, réduisant ainsi la durée de vie et les émissions globales
  • Réduire l’occupation des sols et, par conséquent, le COC

Taxe carbone ou rachat de terres : deux approches pour une agriculture durable

Deux approches principales sont envisagées pour réduire l’empreinte carbone de l’élevage :

  • La taxation des émissions agricoles, couplée à la rémunération de la séquestration du CO2 par les prairies et forêts, inciterait à une réduction de la consommation de viande et à une intensification de l’élevage.
  • Le rachat de terres agricoles pour les convertir en réserves naturelles, à l’instar du Danemark, qui vise 250 000 hectares reboisés d’ici 2045 et 140 000 hectares de plaines mises en réserve d’ici 2030, s’avère plus efficace qu’une simple taxe sur la viande bovine.

Impacts économiques et environnementaux d’une politique de rachat de terres

Avec un prix du carbone estimé à 50 euros la tonne, une politique de rachat de terres pourrait :

  • Réduire la consommation de viande de 14 %
  • Entraîner une hausse de prix de 15 %
  • Convertir 1,03 million d’hectares en réserves naturelles
  • Diminuer les émissions de 3,16 millions de tonnes de CO2eq par an

Cette stratégie surpasse les résultats d’une simple taxe sur le bœuf, qui ne réduirait les émissions que de 1,75 million de tonnes de CO2eq.

Prévenir la délocalisation de la pollution : un enjeu majeur

La délocalisation de la production, avec une augmentation des importations, constitue un risque majeur. Pour contrer ce phénomène, des « ajustements aux frontières » pourraient être mis en place, sous forme de taxes sur les importations ou de subventions aux exportations, afin de préserver la compétitivité des producteurs français.

Biodiversité et bien-être animal : des considérations essentielles

La création de réserves naturelles favorise la biodiversité, mais le reboisement doit privilégier la diversité des espèces. Bien que la réduction de la consommation de viande soit bénéfique au bien-être animal, l’intensification de l’élevage doit se faire dans le respect des conditions de vie des animaux. Une concertation avec les acteurs du secteur agricole est indispensable pour une transition juste et efficace.

Vers une transition progressive et concertée

La réduction de l’empreinte carbone de l’élevage est une nécessité. Si la taxe carbone demeure une option politiquement délicate, le rachat de terres et leur conversion en réserves naturelles représentent une alternative efficace. Une telle transition requiert un accompagnement adapté des agriculteurs et des consommateurs pour garantir son acceptabilité et son efficacité à long terme.

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