mardi, février 11, 2025

La CSRD en sursis : un coup dur pour le reporting extra-financier ?

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La directive européenne CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive), pilier de la transparence environnementale et sociale des entreprises, est aujourd’hui menacée. Alors qu’elle est entrée en vigueur en ce début d’année 2024, un projet de révision, motivé par une volonté de « simplification », est en discussion à Bruxelles. Cette incertitude plane sur l’ensemble de l’écosystème du reporting ESG, et plus particulièrement sur les start-up spécialisées dans ce domaine.

Un élan brisé par l’incertitude réglementaire ?

L’adoption de la CSRD avait suscité un véritable engouement, notamment auprès des jeunes entreprises françaises qui ont développé des solutions pour accompagner les sociétés dans leur mise en conformité. « Les acteurs du consulting et de l’écosystème français sur le sujet se sont jetés à corps perdu dans cette opportunité de marché », souligne Alexis Normand, fondateur de Greenly, une start-up spécialisée dans la comptabilité carbone, qui compte aujourd’hui 2 000 clients et a levé 50 millions d’euros depuis sa création en janvier 2020.

Cependant, cette dynamique pourrait être compromise si la CSRD venait à être reportée ou allégée. Un tel scénario freinerait considérablement l’essor de ces start-up, dont le modèle économique repose en grande partie sur les obligations réglementaires.

Un recul préjudiciable à la lutte contre le greenwashing ?

Aujourd’hui, sans la CSRD, seulement une entreprise sur dix s’engage sérieusement dans la comptabilité carbone, selon Sami, dirigeant de la start-up GoodSteps, spécialisée dans l’ESG et la conformité. La directive impose des normes rigoureuses qui permettent de lutter contre le greenwashing et d’encourager une plus grande vigilance climatique de la part des entreprises. Un assouplissement ou un report de la CSRD risquerait donc de réduire l’impact de ces nouvelles réglementations et de retarder la transition vers des pratiques plus responsables.

Des défis à relever pour une application efficace

Si la CSRD représente une avancée majeure, sa mise en œuvre n’est pas sans défis. La formation des entreprises à ces nouvelles obligations constitue un enjeu crucial, tout comme la mise en place de mécanismes de contrôle robustes pour garantir l’efficacité des exigences imposées.

Une bataille d’influence au sommet

La CSRD s’inscrit dans un contexte réglementaire en constante évolution, avec des ajustements successifs. « On était en retard par rapport aux Anglo-Saxons, maintenant, on est en avance sur eux », observe Alexis Normand. Cette avance pourrait toutefois être remise en cause par des décisions politiques qui compromettraient des investissements déjà réalisés et des emplois liés à la directive.

Parmi les points de révision envisagés figurent la réduction du nombre d’indicateurs (actuellement fixé à 1 200) et le report des obligations pour les PME. Une telle évolution limiterait le marché potentiel des start-up aux seuls grands groupes, intensifiant ainsi la concurrence et rendant l’accès au marché plus difficile pour les petites structures.

Un appel à la stabilité réglementaire

Face à ces incertitudes, 160 syndicats et organisations ont récemment appelé à maintenir la directive, soulignant la nécessité d’un cadre stable pour assurer la transition environnementale et sociale des entreprises européennes. D’autres, comme le Mouvement Impact France, plaident pour une simplification pragmatique qui garantirait à la fois l’efficacité de la directive et sa faisabilité pour les entreprises concernées.

Les décisions qui seront prises d’ici le 26 février seront donc déterminantes pour l’avenir du reporting ESG en Europe. Elles pourraient redéfinir les contours de la conformité extra-financière et avoir un impact durable sur les entreprises, les investisseurs et les start-up qui se sont positionnés sur ce marché en pleine expansion.

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