lundi, avril 21, 2025

Vers une légalisation d’un système d’assainissement écologique et économique : les filtres à broyat de bois à l’étude

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Un système d’assainissement innovant, à la fois écologique et peu coûteux, pourrait bientôt bénéficier d’un cadre légal en France. Il s’agit des filtres à broyat de bois, une méthode naturelle d’épuration des eaux grises, actuellement en phase d’expérimentation à l’échelle nationale. Cette solution, 100 % écologique, offre une réponse durable à la gestion des eaux ménagères, tout en répondant à un vide juridique persistant.

Une seconde vie pour les eaux grises grâce aux filtres à broyat de bois

Les eaux grises représentent les eaux usées domestiques faiblement polluées issues des douches, lavabos et lave-linge — à l’exclusion des eaux des toilettes. Le système des filtres à broyat de bois permet leur réutilisation, notamment pour l’irrigation d’arbustes, d’arbres fruitiers ou de végétations d’agrément. Ce dispositif repose sur un principe simple et naturel : l’infiltration et l’épuration des eaux grâce à des tranchées remplies de copeaux de bois.

Une solution pour les zones non raccordées au réseau d’assainissement

Les filtres à broyat s’adressent principalement aux logements non raccordés aux réseaux d’assainissement collectif, notamment en milieu rural. Si plusieurs centaines de particuliers ont déjà adopté cette méthode, elle reste marginale. En cause : l’absence de réglementation claire. Ce vide juridique freine les initiatives, malgré un intérêt croissant, notamment dans les départements touchés par la sécheresse, comme le souligne Christophe Mérotto, directeur de l’écocentre Pierre & Terre à Riscle (Gers).

Alors que les toilettes sèches sont autorisées depuis 2009, il n’existe toujours aucun texte réglementaire encadrant spécifiquement le traitement des eaux grises. Cela conduit les agents des services d’assainissement non-collectif à se montrer prudents, voire réticents, en l’absence d’un cadre légal précis.

Un dispositif peu coûteux et facile à mettre en œuvre

Sur le plan technique, le filtre à broyat de bois se compose de trois ou quatre tranchées de 40 cm de large, 30 cm de profondeur et de plusieurs mètres de long. Chaque tranchée est remplie de broyat de bois, matière qui favorise la filtration et héberge les bactéries épuratrices. L’ensemble du système occupe entre 30 et 40 m² et comprend un répartiteur qui alimente les filtres de manière alternée (par exemple, chaque semaine).

Côté budget, l’investissement reste raisonnable : de 100 euros en autoconstruction à 4 000 euros, en tenant compte des frais comme l’étude de sol, le creusement, la canalisation et une éventuelle pompe de relevage. À titre de comparaison, les systèmes classiques comme les fosses septiques couplées à des filtres à sable ou les microstations d’épuration peuvent atteindre les 10 000 euros.

Autre avantage notable : la restitution des eaux au sol et aux végétaux, à condition d’utiliser des produits ménagers biodégradables afin de limiter la pollution en amont.

Une expérimentation nationale lancée en 2023

Pour encadrer cette pratique prometteuse, l’État a lancé une expérimentation nationale en 2023, dans le cadre du programme France Expérimentation et à la suite de l’arrêté ministériel du 30 mars 2023. Un comité de pilotage réunit plusieurs instances : le ministère de l’Écologie, le ministère de la Santé, l’INRAE (Institut national de recherche pour l’agriculture, l’alimentation et l’environnement), et le Réseau de l’assainissement écologique (RAE).

Parmi plus de 250 candidatures, 30 installations ont été sélectionnées pour un suivi encadré, dont deux en outre-merLa Réunion et en Martinique).

Un suivi scientifique rigoureux jusqu’en 2027

L’expérimentation se décline en deux volets. D’une part, un suivi scientifique piloté par l’INRAE sur quatre sites pilotes situés dans le Maine-et-Loire, la Saône-et-Loire, le Gers et la Haute-Garonne. L’objectif : mesurer l’efficacité de ces filtres à travers divers indicateurs comme la température, l’humidité du sol et du broyat, la hauteur de nappe phréatique et les précipitations.

Chaque année, les propriétaires concernés transmettent des observations : présence d’eaux stagnantes, tassement du broyat, débordements éventuels ou nuisances olfactives.

Le rapport final de l’INRAE est attendu pour fin 2027, avant une éventuelle révision du cadre réglementaire permettant l’officialisation des filtres à broyat de bois comme système d’assainissement alternatif.

Des résultats prometteurs et un avenir optimiste

Selon Vincent Le Daheron, animateur technique au sein du RAE, les premières publications scientifiques sont très encourageantes : « L’INRAE a déjà montré que ce système améliore la capacité d’infiltration des sols. » Il rappelle également que les eaux ménagères présentent une charge polluante très faible et que les utilisateurs de ce type de filtres sont souvent des écocitoyens ayant recours à des produits ménagers biodégradables.

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