samedi, avril 19, 2025

Václav Smil : un regard sans concession sur l’avenir énergétique mondial

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Václav Smil, éminent scientifique tchéco-canadien, s’impose comme une figure incontournable dans le domaine de l’énergie et de l’environnement. Fort d’une carrière prolifique à l’Université du Manitoba, ce professeur émérite a consacré sa vie à l’étude des ressources naturelles, des transitions énergétiques et de leurs implications géopolitiques. Ses analyses, d’une rigueur scientifique exemplaire, ont fait de lui une référence mondiale, saluée par des institutions prestigieuses telles que la revue Science. Norman Foster le décrit comme un « auteur phénoménal qui remet les faits à leur place face aux préjugés et aux modes ». Ses travaux, qui font écho à ceux de Jean-Marc Jancovici, offrent une perspective éclairée sur les défis énergétiques de notre époque.

2050 : un avenir énergétique complexe et incertain

Dans son ouvrage « 2050 », publié par les éditions Arpa, Václav Smil dresse un tableau réaliste des perspectives énergétiques mondiales à l’horizon 2050. Loin des discours optimistes, il met en lumière les limites des énergies renouvelables, les risques liés à l’extraction des métaux rares et la difficulté de réduire les émissions de CO₂. Son analyse, basée sur des données chiffrées et des modèles scientifiques, révèle que les transitions énergétiques sont des processus lents et complexes, qui s’étendent sur plusieurs décennies. Ainsi, les combustibles fossiles, qui représentaient encore 82 % de l’énergie mondiale en 2022, contre 86 % en 1997, devraient continuer à jouer un rôle prépondérant dans le mix énergétique de 2050.

La persistance des combustibles fossiles : une réalité incontournable

Malgré les efforts déployés pour développer les énergies renouvelables, Václav Smil estime que les combustibles fossiles représenteront encore entre 50 % et 60 % de l’énergie mondiale en 2050. Cette prévision, plus pessimiste que celle de l’Agence Internationale de l’Énergie (AIE), qui table sur 70 %, s’appuie sur des données historiques et des projections réalistes. Le scientifique rappelle que le passage du bois au charbon a pris un siècle, et que le remplacement des 500 exajoules (EJ) de combustibles fossiles consommés chaque année nécessiterait un rythme de substitution de 9,4 EJ par an, alors que la moyenne depuis 1997 est de seulement 1,7 EJ.

Les limites des énergies renouvelables : une analyse sans complaisance

Václav Smil critique la « pensée magique » qui entoure les énergies renouvelables. Il souligne que l’intermittence de l’éolien et du solaire, leur dépendance aux conditions météorologiques et leur faible densité énergétique posent des défis techniques et économiques considérables. En 2022, ces énergies n’ont produit que 12 % de l’électricité mondiale, contre 62 % pour le charbon et le gaz. De plus, les besoins en matériaux sont colossaux : une éolienne nécessite 500 tonnes de matériaux par MW, contre 30 tonnes pour une turbine à gaz.

La dépendance aux métaux rares : un enjeu géopolitique majeur

La transition vers une énergie bas-carbone implique une demande exponentielle de métaux rares, tels que le cuivre, le lithium et le cobalt. Or, la Chine domine ce marché, contrôlant 90 % de la production mondiale. Cette dépendance critique expose les pays occidentaux à des risques d’approvisionnement et à des pressions géopolitiques. Václav Smil souligne que l’extraction de ces métaux, souvent réalisée dans des conditions environnementales et sociales désastreuses, aura un impact considérable sur la planète.

La réduction des émissions de CO₂ : un défi colossal

Depuis 1997, les émissions mondiales de CO₂ ont augmenté de 54 %, passant de 25,5 à 39,3 milliards de tonnes en 2023. Pour atteindre la neutralité carbone en 2050, il faudrait réduire ces émissions de 1,45 milliard de tonnes par an, soit trois fois l’augmentation annuelle moyenne observée depuis 1995. Václav Smil estime que cette réduction est hautement improbable, compte tenu de la croissance démographique, de l’augmentation de la consommation énergétique et des difficultés à remplacer les combustibles fossiles.

Un appel à la lucidité et à la responsabilité

Václav Smil, à l’instar de Jean-Marc Jancovici, appelle à une prise de conscience réaliste des contraintes énergétiques et environnementales. Il critique les discours simplistes et les solutions technologiques miracles, et plaide pour une approche pragmatique et scientifique. Il insiste sur la nécessité d’investir massivement dans la recherche et le développement de solutions durables, tout en reconnaissant que la transition énergétique prendra du temps et nécessitera des compromis difficiles.

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